Le forfait jours permet à certains salariés d’échapper aux horaires collectifs, mais cette liberté organisationnelle n’est pas absolue. Une question cruciale se pose : l’employeur peut-il malgré tout imposer des plages horaires fixes ? La réponse jurisprudentielle est nuancée et mérite une analyse approfondie.
1. Le cadre légal du forfait jours : un dispositif strictement encadré
Le forfait jours est régi par des règles impératives :
Condition préalable : existence d’une convention collective autorisant ce dispositif
Formalisation obligatoire : convention individuelle signée avec le salarié
Public concerné :
Cadres autonomes dans leur organisation
Salariés dont la durée du travail ne peut être prédéterminée
Point clé : Le plafond annuel est fixé à 218 jours travaillés (incluant la journée de solidarité).
2. L’imposition d’horaires fixes : une pratique à haut risque juridique
La jurisprudence est constante sur ce point :
Principe : Toute obligation de présence fixe est incompatible avec le forfait jours
Justification : Elle remet en cause l’autonomie, condition essentielle du dispositif
Conséquences :
Nullité de la convention de forfait
Requalification en contrat horaire classique
Remboursement des heures supplémentaires
Versement potentiel de dommages-intérêts
Exception notable : Certaines contraintes ponctuelles peuvent être admises si :
Elles sont justifiées par l’activité de l’entreprise
Elles restent raisonnables en fréquence et durée
Elles n’altèrent pas substantiellement l’autonomie du salarié
3. Les alternatives légales pour encadrer le travail
En l’absence de fixation d’horaires, l’employeur dispose de leviers légitimes :
Contrôle des résultats : Évaluation de l’accomplissement des missions
Respect des obligations : Participation aux réunions indispensables
Protection de la santé :
Vérification du repos quotidien (11h consécutives)
Contrôle du repos hebdomadaire (35h consécutives)
Surveillance de la charge de travail
Bonnes pratiques RH :
Privilégier la fixation d’objectifs plutôt que d’horaires
Documenter précisément les nécessités opérationnelles
Former les managers à une gestion adaptée au forfait jours
4. Recommandations pour sécuriser la mise en œuvre
Pour éviter les contentieux :
Vérifier systématiquement l’éligibilité du salarié au forfait jours
Élaborer des conventions individuelles précises et conformes
Mettre en place un suivi :
Des jours travaillés
Des temps de repos
De la charge de travail
Anticiper les risques :
Audit régulier des pratiques
Mise à jour des documents
Formation des encadrants
Conclusion : Si le forfait jours offre une précieuse flexibilité, il n’autorise pas pour autant l’imposition d’horaires fixes. Seule une gestion rigoureuse, respectueuse de l’autonomie des salariés, permet de bénéficier de ce dispositif sans risque juridique. Les services RH doivent donc trouver le juste équilibre entre besoins opérationnels et cadre légal contraignant.